Nous avons déjà évoqué les différents droits des associés, mais il y en a un qui mérite que l'on s'attarde sur lui, qui pose un certain nombre de problèmes, c'est le droit de participer aux décisions collectives. Nous avons dit que la jurisprudence ajoutait « droit de participer aux décisions collectives et de voter ». A part la jurisprudence, il y a un texte, l'article 1844 du code civil, qui édicte le principe selon lequel tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, et le texte ajoute, d'une manière qui aurait pu être plus claire, les statuts peuvent déroger aux dispositions des 2 alinéas qui précèdent. Les alinéas qui précèdent sont relatifs au démembrement de propriété et à l'indivision sur droits sociaux, cela veut dire qu'on ne peut pas du tout déroger à l'alinéa premier, à la règle qui nous dit que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Nous avons déjà expliqué la distinction entre participer aux décisions collectives et voter, il faut revenir ici sur un point précis. Ce qu'interdit ce texte c'est que l'on remette en cause ce droit considéré comme essentiel et la jurisprudence a dit la chose suivante : même dans une hypothèse où les associés veulent lutter contre les conflits d'intérêts. Cela semble une démarche qui est une très bonne démarche puisque on pourrait prévoir dans les statuts que les associés s'interdisent de voter sur certaines questions or la jurisprudence est venu préciser qu'on ne pouvait pas remettre en cause le droit de vote des associés, dans une hypothèse qui ne serait pas prévue par la loi. Donc il faut faire attention lorsque l'on prévoit des cas de suppression du droit de vote, des atteintes au droit de vote on ne peut pas porter atteinte au droit de vote dans une hypothèse qui n'est pas prévue par la loi. Il y a une hypothèse particulièrement prévue par la loi qui est celle des actions de préférence sans droit de vote et je passe la parole à Monsieur Stéphane Sylvestre pour nous expliquer ce que sont ces actions de préférence sans droit de vote. Il faut le rappeler, depuis l'ordonnance de 2004, il est possible aux sociétés par actions d'émettre des actions de préférence. Qu'est ce qu'une action de préférence c'est une action qui a des droits particuliers par rapport aux actions ordinaires et parmi ces droits particuliers, ces cas particuliers d'ailleurs, ces obligations, ces charges particulières, ces actions de préférence peuvent être stipulées sans droit de vote et, le code de commerce précise : sans droit de vote soit définitivement ou pour une durée momentanée. Bien encore, le droit de vote peut être suspendu pour un vote sur des opérations particulières, donc effectivement on a intégré par ces actions sans droit de vote, ces actions de préférence sans droit de vote, un petit peu de contractualisation dans le droit des sociétés, puisque il est des cas dans lesquels, certains associés ne sont pas intéressés par l'idée d'avoir un droit de vote particulier à partir du moment où, par exemple ils ont en contrepartie un droit aux dividendes qui est plus important que celui des actions ordinaires. D'accord mais on pourrait faire des choses comme ce qu'on faisait avant les actions de préférence qui étaient les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, des actions qui n'auraient pas de droit de vote, toucheraient plus de dividendes que les autres mais retrouveraient leur droit de vote si le dividende n'est pas distribué. On pourrait tout à fait faire ça et c'est toute la beauté de l'ordonnance, qui est une ordonnance très contractuelle, c'est que aujourd'hui on peut dupliquer l'ancien régime des actions à dividende prioritaire sans droit de vote. A savoir qu'effectivement ils sont privés de droit de vote, mais si pendant un certain nombre d'exercices - trois exercices - le dividende prioritaire n'est pas versée, ils retrouvent leur droit de vote. C'était le système qui existait avant l'ordonnance mais aujourd'hui la suppression du droit de vote n'a plus d'autre limite que celle de l'imagination des praticiens, donc on peut prévoir effectivement une suppression du droit de vote qui peut ne durer que pendant une année ou bien dans certains cas prévoir que ces actions retrouveront leur droit de vote. D'accord, mais on pourra avoir aussi des actions qui n'auront jamais de droit de vote sur quoi que ce soit ? Temporaire ou définitif. Mais il faudra quand même faire venir à l'assemblée les porteurs de ces actions qui ne peuvent pas voter mais peuvent quand même participer aux décisions collectives qui précèdent le vote. Simplement sur l'importance de ce droit, la jurisprudence nous a donné quelques enseignements et régulièrement il y a de grands arrêts, des arrêts importants sur cette question. L'arrêt que j'évoquais tout à l'heure, je n'ai pas donné la date, c'est l'arrêt Château d'Yquem, Chambre Commerciale de la cour de cassation du 9 février 1999, qui nous dit qu'on ne peut pas prévoir de suppression du droit de vote dans un cas non prévu par la loi même lorsque c'est pour instaurer un système de lutte contre les conflits d'intérêts, on peut toujours s'abstenir volontairement de voter mais on ne peut pas priver un associé de son droit de vote. Ensuite dans les SAS on a une société par actions simplifiée, on s'imaginait que l'on pouvait, lorsque l'on excluait un associé, enfin certains praticiens, beaucoup de praticiens même avaient pensé que il était possible de prévoir dans les statuts que l'associé était exclu par une décision des associés à laquelle, bien qu'associé, il ne participait pas. La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 23 octobre 2007, arrêt Art et Entreprises vient nous dire que l’on ne peut pas empêcher cet associé de participer à la décision collective. Autre problème que cela pose : puisque dans de nombreuses sociétés il y a cette clause que la cour de cassation invalide par cet arrêt de 2007, ces sociétés avaient tendance à permettre, contrairement à ce que disait la clause, à l'associé dont l'exclusion était décidée, de venir participer au vote sur son exclusion. Dernière évolution de la jurisprudence : deux arrêts de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 9 juillet 2013 viennent nous dire que ce n'est pas comme ça qu'il faut faire, en réalité il faut régulariser la clause. Il n'appartient pas au président, par exemple, de faire venir voter l'associé si la clause l'interdit, la clause ne fonctionne pas tant qu'on ne l'a pas régularisée. Le seul problème c'est que dans les SAS pour modifier une clause d'exclusion il faut l'unanimité, et vous comprenez bien que si je fais venir un associé avant son exclusion ou avant de décider de son exclusion, que je lui demande s'il vous plaît, acceptez vous de voter, nous avons besoin de l'unanimité pour que la clause d'exclusion soit modifiée et pour prévoir que tout le monde, même le potentiel exclu, participera au vote sur l'exclusion, et bien il est possible que si on est déjà en contentieux, si un associé sait déjà qu'il risque d'être l'objet de l'exclusion par la suite, et bien il ne va pas accepter de régulariser la clause, cela veut dire que la clause ne sera tout simplement pas opérationnelle. Voilà une application, une illustration de l'importance de ce droit de participer aux décisions collectives et de voter. Stéphane, je te remercie.