Nous allons évoquer la question des changements d'orientation. De quoi parlons nous ici ? Nous parlons du fait qu'une société qui avait une activité donnée, une activité prévue par ses statuts, va décider de modifier son activité. Normalement il n'y a pas grand chose à dire là-dessus. C'est une modification des statuts, donc il faut respecter les conditions prévues pour la modification des statuts quelles qu'elles soient, mais en réalité, il faut faire attention, parce que changer l'objet de la société prévu par les statuts peut avoir des conséquences particulières : si vous dites que votre société peut exercer une activité donnée, il faut s'assurer de ce que vous remplissez les conditions pour l'exercice de cette activité. Avant de pouvoir exercer une activité donnée, la loi ou le règlement peuvent requérir des exigences en termes de diplômes, des exigences en termes de moralité, que doivent satisfaire les dirigeants ou les associés. Il peut y avoir aussi simplement des interdictions pour certaines formes sociales d'exercer certaines activités. Par exemple, le premier texte sur la SARL, l'article L 223-1 du code de commerce dit : "les sociétés d'assurance de capitalisation et d'épargne ne peuvent adopter la forme de SARL". Cela veut dire que si je suis en SARL et que je veux ajouter à l'objet de ma société l'activité d'assurance, je ne peux pas. Pour faire cela, il faut que je change de forme sociale et qu'avant de modifier mon objet, je sois passé en société anonyme par exemple. Donc il faut prendre garde à ce que la modification de l'objet que l'on a prévue soit autorisée et licite, que l'on remplisse les conditions pour exercer la nouvelle activité. Il faut penser aussi à autre chose, ce sont les changements d'orientation de la société qui sont décidés indirectement. C'est une question sensible en droit des sociétés. Qui peut vendre le fonds de commerce unique (ou l'actif essentiel plus généralement) de la société ? Je suis une société holding, donc je détiens des participations dans d'autres sociétés, et il se trouve que je détiens une participation unique : je n'ai une participation que dans une société. Qui peut décider de céder cette participation ? J'ai peut-être 100% des actions de telle société. Si mon directeur général décide la cession à un tiers de l'intégralité de cette participation, ça veut dire qu'une fois l'opération faite, notre société holding n'est plus une holding. Elle a un objet qui lui permet d'être une holding et de racheter une participation mais en attendant elle ne détient plus d'action. Il faut ici regarder l'objet de la société : si elle a pour objet de détenir « toute participation », il est sans doute possible qu'elle cède et qu'elle rachète des participations. Peut-être même qu'elle aura dans ses statuts la mention spécifique « céder ou acheter », ou « céder et acheter des participations », mais on pourrait considérer que le fait d'avoir inscrit dans ses statuts comme objet « la détention de toute participation » implique la possibilité d'en acquérir et la possibilité d'en céder. Cela veut dire que le dirigeant aurait, du seul fait qu'il est dirigeant et qu'il exerce son pouvoir de direction générale de gestion (du coup : de gestion courante de la société), il aurait la possibilité de procéder à ce type d'opérations. Disons pour être exact, que ce n'est pas de la gestion courante, mais ce ne serait pas non plus quelque chose qui sortirait de l'activité de la société telle qu'elle a été prévue par ses statuts. Parfois tout de même la jurisprudence hésite et les juges vont parfois considérer que vendre un bien très important ou vendre le seul bien de la société, relève d'une décision des associés prise aux conditions de modification des statuts et pas d'une décision du seul dirigeant. On comprend la volonté des juges. Ils souhaitent, en réalité, que les décisions importantes soient vraiment prises par les associés et pas par le dirigeant. Si on veut bien faire les choses, il faut avoir un objet qui définisse précisément ce qu'est l'activité de la société. Si on inscrit dans l'objet que cet objet est la détention de telle participation, cela veut dire qu'il faut une décision des associés pour modifier cette situation et donc pour céder la participation. On peut aussi prévoir des clauses qui vont limiter les pouvoirs du dirigeant en écrivant que l'objet de la société est certes, large, détenir toute participation – mais on va prévoir que le dirigeant qui souhaite céder une participation, des actions que détiendrait la société dans une autre société, doit préalablement obtenir l'autorisation des associés réunis en assemblée, par exemple. De cette manière, ce ne sera pas opposable aux tiers, mais le dirigeant hésitera peut-être à céder la participation parce qu'il va, à ce moment-là engager sa responsabilité pour avoir commis une violation des statuts.