Nous allons voir maintenant une catégorie d'opérations particulières qui sont les opérations sur le capital social. Ce capital social est fixé par une décision des associés. Il peut connaître des évolutions, des augmentations ou des réductions. Pour en parler, je suis avec un spécialiste de la question, Stéphane Sylvestre, avocat. Stéphane nous allons parler de l'augmentation et de la réduction du capital, mais surtout de l'augmentation de capital. Quels sont les grands points à connaître sur cette opération ? Déjà pourquoi augmente-on le capital social ? Il ne faut pas l'oublier : avant d'être un instrument juridique, la société est un instrument économique, notamment un instrument qui permet de lever des fonds. Effectivement lorsque la société, pour la bonne marche ou le développement de l'entreprise, a besoin de nouveaux fonds, un des moyens de faire appel à des nouveaux fonds pour elle est d'augmenter son capital. En augmentant son capital, soit elle demande à ses associés actuels de remettre de l'argent dans la société : elle émet de nouvelles actions ou de nouveaux titres en contrepartie des nouveaux fonds qui vont venir alimenter la société ; soit elle fait appel à des tiers extérieurs à la société qui vont, également en contrepartie d'actions ou d'autres types de titres, verser de l'argent à la société. L'augmentation de capital est une décision très fréquente mais également très importante dans la vie des sociétés. Pourquoi ? Parce que le capital est mentionné dans les statuts de la société et donc pour pouvoir l'augmenter, il faut modifier les statuts. À cet effet, la loi ou les statuts prévoient des procédures un peu particulières, mais en règle générale, et si on prend l'exemple le plus topique – celui des sociétés anonymes –, cette décision appartient à l'assemblée générale extraordinaire. C'est l'assemblée générale qui décide ou qui autorise l'augmentation de capital. Ce n'est pas sans une certaine lourdeur : c'est déjà relativement lourd pour les sociétés non cotées, mais c'est particulièrement lourd pour les sociétés cotées, les sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé, puisque, pour ces sociétés, l'organisation d'une assemblée générale prend en moyenne deux mois. Vous imaginez bien qu'en deux mois, sur les marchés, le prix auquel l'action est cotée est susceptible d'évoluer à la hausse comme à la baisse. C'est la raison pour laquelle, depuis plus de 20 ans aujourd'hui, on assiste à un phénomène « de transfert » du pouvoir de décider l'augmentation de capital de l'assemblée générale extraordinaire vers les organes de direction. Excuse-moi, je t'arrête parce qu'il y a une règle importante qui est qu'on ne peut pas modifier les compétences des organes de la société anonyme. Comment est-ce qu'on pourrait décider que ce n'est pas l'assemblée générale extraordinaire qui va modifier les statuts mais les dirigeants ? C'est d'abord l'un des cas où la loi le prévoit : la loi prévoit ce processus de transfert de compétences de l'assemblée vers les organes de direction. Ce sont ces deux modalités de transfert que l'on appelle la délégation de compétence : le pouvoir de décider de l'augmentation de capital est transféré de l'assemblée au conseil d'administration, mais le pouvoir procède de l'assemblée générale extraordinaire. C'est l'assemblée qui décide que, pendant un certain temps et jusqu'à un certain plafond, la décision d'augmenter le capital pourra être prise par le conseil d'administration par exemple, pour des raisons de souplesse et aussi pour coller aux contraintes et aux réalités des marchés. Ce pouvoir peut même, dans certains cas, être subdélégué au représentant légal de la société, le président. Et si je suis actionnaire en place, est-ce que j'ai un droit de priorité sur ces actions qui vont être émises ? Oui effectivement, la société est, avant tout, la chose des associés. Donc comme il s'agit d'une modification des statuts, ce sont les associés qui décident d'augmenter le capital ou d'autoriser cette augmentation, mais cette cette opération ne doit pas aboutir à un appauvrissement des associés. C'est la raison pour laquelle la loi prévoit, dans la plupart des formes sociales et notamment dans les sociétés par actions, que les associés, les actionnaires, disposent d'un droit préférentiel de souscription, le « DPS » dans notre jargon, et ce droit préférentiel de souscription permet aux associés de souscrire prioritairement aux actions qui seront émises au moment de l'augmentation de capital. Ce droit préférentiel de souscription (essentiellement lorsque la société est cotée) peut être utilisé pour souscrire à l'augmentation de capital, mais si l'actionnaire n'est pas intéressé, il peut également le céder, car ce droit est négociable. Donc il peut être cédé sur le marché, soit à des personnes qui sont déjà actionnaires, soit à des tiers qui veulent le devenir et qui acquièrent, de ce fait, la possibilité de souscrire par priorité à l'augmentation de capital. Enfin ce droit peut tout à fait être l'objet d'une renonciation par l'actionnaire qui en bénéficie, qui est titulaire de ce droit. La société est donc la chose des associés. Pour autant, la société doit être gérée dans l'intérêt social ; elle dispose d'un intérêt propre et dans certains cas, on passe outre au droit des associés et l'assemblée générale extraordinaire peut également décider, à la majorité qualifiée, de supprimer ce droit préférentiel de souscription. Pourquoi décide-t-elle de supprimer ce droit préférentiel de souscription ? Les cas les plus fréquents sont qu'elle veut attirer une nouvelle catégorie d'investisseurs : elle veut peut-être s'introduire en bourse et à ce moment-là, le droit préférentiel de souscription est un frein à la bonne réalisation, à la bonne fin de l'opération. Mais, à nouveau, la suppression de ce droit préférentiel de souscription est décidée par les actionnaires. D'accord. Une autre opération qu'on peut évoquer, c'est la réduction du capital social. Je dirais simplement, mais tu pourras compléter mon propos, qu'on doit distinguer la réduction qui est motivée par des pertes et celle qui est non motivée par des pertes. La réduction motivée par des pertes est une bonne opération pour les créanciers puisque la société avait un capital social important, elle réduit ses capitaux propres et le résultat c'est qu'aujourd'hui, elle ramène le montant statutaire de son capital social à quelque chose qui corresponde davantage à la réalité. Dans ce cas là, c'est une opération qui sert, en tous les cas, les créanciers. En revanche, si la société réduit son capital et que cela l'amène à distribuer, à rendre leurs apports à certains actionnaires, dans cette hypothèse, c'est une opération dangereuse pour les créanciers, parce qu'ils ont pu prêter de l'argent ou devenir créanciers d'une société qui avait un capital social important, et si la société, par la suite, change les règles du jeu et réduit le montant des apports qui lui ont été faits, les créanciers dans certaines sociétés, particulièrement dans les sociétés par actions, peuvent exercer un droit d'opposition pour se défendre contre cette réduction du capital social non motivée par des pertes. Dernier point Stéphane, sur une augmentation et une réduction – je sais que c'est une opération que tu connais bien –, que l'on appelle « le coup d'accordéon ». Le coup d'accordéon est effectivement l'opération par laquelle on lie une réduction de capital et une augmentation de capital. La réduction de capital est motivée par des pertes et peut éventuellement aller jusqu'à zéro. On fait disparaître l'intégralité du capital et donc l'intégralité des actions, ce qui signifie que ceux qui étaient actionnaires avant la réduction de capital perdent tout ou partie de leurs droits puisque leurs actions disparaissent en tout ou partie. Donc ces actionnaires n'ont plus, ou quasiment plus, de droits dans la société. C'est une opération qui permet de faciliter une augmentation de capital ultérieure qui accompagne cette réduction. En règle générale, les deux décisions, la réduction et l'augmentation, sont décidées au cours de la même assemblée générale. Parce que le capital ne peut pas rester à zéro, la réduction de capital est décidée sous la condition suspensive de la réalisation de l'augmentation de capital. C'est une opération que l'on rencontre assez fréquemment lorsque lorsqu'une société connaît un certain nombre de difficultés, notamment parce que ses capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié de son capital social et que la loi impose indirectement de pratiquer ce type d'opération, de pratiquer des coups d'accordéon. C'est une opération que l'on rencontre donc assez fréquemment dans la pratique et qui permet de favoriser l'entrée de nouveaux investisseurs dans la société, puisqu'ils ne seront pas en concurrence avec les anciens actionnaires ou en tout cas qu'ils le seront beaucoup moins. Opération de recapitalisation donc. Stéphane je te remercie.