Parmi les éléments constitutifs du contrat de société, nous allons commencer par celui des apports. Pour parler des apports, je suis avec Dominique Ledouble, expert-comptable, commissaire aux comptes, et nous allons présenter les principales règles applicables aux apports. Alors les apports sont dans l'article 1832 alinéa premier du Code civil, qui nous dit que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie ». Nous laissons l'objectif du contrat de société. Nous le reverrons, mais le texte dit : « affecter à une entreprise commune des biens ou l'industrie ». Biens ou industrie, voilà ce que sont les apports. Des biens : en réalité, on peut apporter de l'argent, on peut apporter un autre bien, un fonds de commerce, une automobile, des brevets, voilà des biens que l'on peut apporter. On peut apporter également, dit le texte, son « industrie », c'est-à-dire une activité. « Industrie » c'est un vieux terme pour désigner l'activité d'un associé : un associé qui va déployer son activité ne le fait pas dans le cadre d'un contrat de travail, il ne le fait pas de manière subordonnée, mais il va fournir une activité à la société, par exemple en recherchant des clients. Voilà le type d'activité que l'associé pourrait fournir. On a un certain nombre d'exemples d'apports en industrie : l'apport en numéraire tout d'abord. On comprend qu'il est simple : on apporte de l'argent, cela ne pose pas de problème. Mais l'apport en nature, lui, est plus compliqué parce qu'on apporte un bien et - Dominique, tu comprends que je vais me tourner vers toi - , on apporte un bien et ce bien, comment l'évaluer ? Est-ce que les associés sont libres de choisir la valeur qu'ils attribuent à leur dire ? Est-ce que ma vieille camionnette peut être valorisée (car j'y attache beaucoup de prix) un million d'euros, ce qui me permet de constituer une société au capital d'un million d'euros ? Et si je veux constituer une société par actions ou une SARL, est-ce que je peux librement faire tout apport en nature ? Heureusement pour les souscripteurs, la réponse est non. La réponse est non depuis la loi de 1865. C'est une vieille disposition mais qui dit que, quand vous apportez un bien en nature, évidemment il faut vérifier la valeur qui est attribuée à ce bien. Alors pourquoi est-ce qu'il faut en vérifier la valeur ? Au moins pour 2 raisons. La première, c'est que si vous surévaluez la valeur de ce bien en contrepartie d'un certain nombre d'actions, en réalité vous lésez les actionnaires autres que celui qui est l'apporteur, qui est futur actionnaire. Puis il y a une deuxième raison qui est plus purement comptable : c'est que si vous faites ça, vous apportez un bien, vous le mettez dans le bilan de la société alors qu'il est surévalué. Cela veut dire que votre bilan, quelque part, est faux. Donc pour ces 2 raisons au moins, il a été prévu depuis, encore une fois, très longtemps, une procédure par laquelle un tiers (le commissaire aux apports), qui est désigné par voie de justice, va se prononcer, sous sa responsabilité, sur le fait de savoir si la valeur qui a été attribuée aux biens n'est pas surévaluée. Alors on ne lui demande pas de dire si la valeur est exacte. On lui demande de vérifier qu'elle n'est pas surévaluée, ce qui confirme le fait que les gens qu'on souhaite protéger ce n'est pas l'apporteur, c'est la société bénéficiaire de l'apport. Comment est-ce qu'on fait cela ? Et bien cela dépend naturellement du type de bien devant lequel on est, mais, en gros, et quel que soit le type de bien, il n'y a jamais que 3 types de valeurs possibles qu'on peut imaginer : soit on compare le bien à des objets pour lesquels on connaît le prix, c'est une méthode comparative ; soit on calcule combien il faudrait pour reconstituer ce bien dans l'état où il est ; soit on sait ce que le bien va rapporter, quelle est sa contribution financière et donc on va considérer que le bien est la somme actualisée de ce qu'il va rapporter dans le futur. Quelles que soient les nuances et les types de biens c'est, grosso modo, autour de ces 3 approches que tourne la valeur, sachant, donc, qu'on fait un rapport sur cette valeur qui est soumis à l'assemblée, laquelle, naturellement, reste tout à fait souveraine dans ses décisions. D'accord. Alors on peut dire aussi qu'il est également possible que le commissaire aux apports soit désigné par l'unanimité des associés. Une chose qui est importante, c'est de dire, je crois, que les associés qui surévalueraient consciemment le rapport engageraient leurs responsabilités. Et celle du commissaire aux apports. Et celle du commissaire : oui d'ailleurs, si le commissaire se trompe, il engage également sa responsabilité. Oui, le texte dit : « sous sa responsabilité ». D'ailleurs le « consciemment » est de trop. Enfin, le « consciemment », c'est pour les infractions pénales de surévaluation, parce qu'une surévaluation par négligence, cela engage la responsabilité des auteurs de la surévaluation. Et oui, on comprend en tous les cas, que ces mécanismes d'évaluation protègent finalement, à la fois les autres associés ou les autres actionnaires et également les tiers, parce que si on laisse une société prétendre qu'elle a des apports d'un montant très important, elle prétendra avoir un capital très élevée, et le jour où on se dit qu'on va réaliser le bien, qu'on va saisir le bien dans le patrimoine de la société, on s'apercevra qu'en réalité on n'a rien du tout. La responsabilité civile va permettre d'obtenir, la différence entre ce que le bien rapporte véritablement et la valeur que l'on espérait. Dominique, je te remercie.