Nous abordons maintenant la question du statut social du dirigeant. C'est une question que vous connaissez déjà parce que dans le cadre du pré-MOOC, nous avions diffusé des documents relatifs à cette question et plus précisément, relatifs à la question du statut du dirigeant au regard des régimes de sécurité sociale. Le point sur lequel nous allons nous attarder ici, concerne celui du cumul par le dirigeant de son mandat social avec un contrat de travail. Dans quelle mesure, le dirigeant peut-il cumuler ces deux qualités, qui sont, d'un côté celle de dirigeant de la société et de l’autre, celle de salarié de cette même société ? Cela semble assez contradictoire a priori, parce que dans le même temps vous allez être salarié d’une société et donc dans un lien de subordination, et par ailleurs, vous allez diriger cette même société. Est-ce que l'on peut vraiment cumuler ces deux qualités ? Et bien nous allons voir que oui, mais sous certaines conditions. Il faut tout de suite préciser que la loi ne s'occupe d'encadrer ce cumul, que dans certains cas et plus particulièrement pour les administrateurs de sociétés anonymes. En application du droit du travail essentiellement et cela se vaut pour toutes les sociétés, il est primordial, tout d’abord, que le dirigeant exerce un emploi effectif, c'est à dire un emploi qui ne se confond pas avec ses fonctions de dirigeant. En d’autres termes, vous ne pouvez pas être salarié d’une société pour diriger cette même société. Cela n'est pas possible parce que vous avez un statut qui est celui de dirigeant et peut-être êtes-vous rémunéré pour exercer ces fonctions, mais vous ne pouvez pas avoir dans le même temps un contrat de travail dont l'emploi correspond exactement à ces fonctions. Par contre, ce que l'on voit dans les groupes de sociétés, c'est le salarié de la société mère par exemple, dont les fonctions de salariés consistent à assumer la direction d'une ou plusieurs filiales, mais dans ce cas, vous le voyez, nous n'avons pas le dirigeant de la filiale qui est aussi salarié de cette même filiale. Donc, première condition, un emploi effectif. Deuxième condition, un lien de subordination. C'est à dire que même en admettant qu'il y ait ce cumul possible et que cela corresponde à des fonctions distinctes, encore faut-il s'assurer de ce que le dirigeant, parce qu'il est en même temps dirigeant et salarié, demeure pour ses fonctions de salarié, dans un lien de subordination vis à vis de la société. Par exemple, un dirigeant va être à la fois directeur général et directeur technique ou directeur commercial de la société. Cela est possible et peut être peut-il cumuler effectivement ces fonctions, mais à la condition que dans ses fonctions de directeur technique, il soit effectivement dans un lien de subordination, c'est à dire qu’il prenne des instructions de quelqu'un d’autre, d’un autre salarié de la société qui exercera à son égard le pouvoir de direction de l'employeur. Il faut donc que pour la fonction de salarié, le dirigeant demeure en état de subordination. Si tel n’est pas le cas, c'est à dire si l’on conste qu'un salarié devient en réalité dirigeant et n’est plus, du coup, en état de subordination pour son contrat de travail, alors la jurisprudence, depuis assez longtemps, considère dans ce cas, que le contrat de travail est suspendu. On aurait pu penser que le salarié, en acceptant un mandat social, avait renoncé à ses fonctions de salarié, le mandat faisant disparaître le lien de subordination. Mais une telle solution n’aurait pas été protectrice pour le salarié et la jurisprudence a donc retenu une solution qui, pour le coup, est protectrice. En effet, dans ce cas, son contrat de travail est suspendu, ce qui signifie que dans le temps où le salarié devient dirigeant, il n'est plus en état de subordination et son contrat de travail ne reçoit plus effet. Il est en quelque sorte « gelé » et à l’instant où le mandat social cessera, à ce moment-là, notre dirigeant qui avait un contrat de travail suspendu, retrouvera son contrat de travail. Enfin, il faut rapidement évoquer les règles spéciales qui concernent la société anonyme. Pendant longtemps, vous aviez une interdiction qui consistait à vous interdire, si vous étiez administrateur en fonction, de devenir salarié, parce que l'on considérait que l'administrateur en fonction qui devenait salarié dans une société anonyme, consolidait en quelque sorte sa position. Or, l'administrateur en fonctions est et doit rester révocable à tout moment. On considérait donc qu'en passant un contrat de travail avec la société, et bien celui-ci consolidait sa position pour éviter d'être révoqué trop facilement comme administrateur. En effet, une fois révoqué de son mandat social, il faudrait procéder aussi à son licenciement. On pouvait, si l'on était salarié, devenir administrateur, mais l’on ne pouvait pas, si l’on était administrateur, devenir salarié. Il y avait une antériorité, qui pouvait être très faible, qui était alors requise. Depuis la loi Warsmann II (dite de simplification) du 22 mars 2012, une assez large exception à ce principe a été créée. Elle concerne les sociétés anonymes qui exploitent une entreprise ne dépassant pas certain seuil. Il est donc désormais possible au sein d’une bonne partie de nos sociétés anonymes, pour l'administrateur en fonction, de conclure un contrat de travail avec la société. Cela dit, il faut tout de même préciser deux choses. La première, c'est qu'il faut que cela corresponde à un emploi effectif et la seconde, c'est que vous avez dans les sociétés anonymes, une règle qui limite le nombre d’administrateur salarié. Il ne faut pas, en effet, que les administrateurs salariés dépassent le tiers du nombre des administrateurs en fonctions. Ainsi, on ne veut pas que plus du tiers des membres du conseil d'administration soient en même temps liés par un contrat de travail avec la société qu’ils administrent. On considère que si tel était le cas, il n’y aurait plus l'indépendance voulue à l'égard de la société, raison pour laquelle il faut qu'ils restent, pour une bonne partie d'entre eux, dans ce seul statut d'administrateur, sans cumuler leur fonction d'administrateur avec un contrat de travail.