Nous parlons maintenant de la RSE. Avant de dire ce que c'est, je présente simplement Dominique Ledouble, qui est avec moi, expert-comptable, commissaires aux comptes et donc Dominique est venu nous parler de cette notion de RSE. Je prends l'une des traductions possibles du sigle, responsabilité sociale et environnementale. On rencontre aussi responsabilité sociétale et environnementale ou plus simplement, responsabilité sociale de l'entreprise. Alors, qu'est-ce que la RSE ? Et bien, c'est un ensemble de règles qui vont s'appliquer aux entreprises. Je préfère rester prudent pour le moment, ne pas donner de définition trop précise, parce que sinon on pourrait oublier une partie de la RSE en cours de route. Comment est-ce que la RSE se traduit en droit des sociétés ? Disons simplement que c'est l'idée que la société, que l'entreprise, est responsable. Elle n'a pas seulement une responsabilité envers ses associés, en ce que la société ne doit pas seulement réaliser un bénéfice, mais elle a aussi une responsabilité envers la société, et ce au sens large. Il faut notamment que l'on s'assure que l'entreprise exploitée par la société n'a pas un impact trop négatif sur l'environnement et que l'entreprise se préoccupe d'un certain nombre de valeurs. Alors concrètement, cela prend une « traduction » dans le rapport de gestion, dans le rapport que fait annuellement le conseil d'administration dans les sociétés anonymes, mais pas dans toutes les sociétés anonymes, dans les grandes sociétés anonymes et dans les sociétés anonymes cotées en bourse seulement. Ainsi, on va demander à ce que figure dans ce rapport, un certain nombre d'informations prévues par l'article L. 225-102-1 du Code de commerce, lequel nous dit que « le rapport comprend également [. . . ] des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable et en faveur de la lutte contre les discriminations et de la promotion des diversités ». On pourrait ajouter une longue liste à cela, l'idée étant que la société va expliquer ce qu'elle fait dans ces domaines, dans le cadre de son rapport. L'idée, je crois, est donc que la société va se trouver amenée à dire qu'elle fait quelque chose et donc, finalement, va finir par faire quelque chose. Dominique qu'est-ce que tu penses de la RSE ? Alors sur la RSE, il y a beaucoup de sujets compliqués. Sur le sujet lui-même, je pense que ce qu'il faut bien noter, c'est d'abord qu'on en est à un démarrage et on est à un démarrage de quelque chose qui va produire de l'information qui est à la fois, chiffrée et non chiffrée, avec les difficultés que cela comporte en termes de vérification, de traçabilité, notamment pour l'information non chiffrée qui est de l'information littéraire, mais aussi pour l'information chiffrée, que jusqu'ici les entreprises n'ont pas tellement l'habitude de fournir d'abord, et de vérifier ensuite. On est donc dans un « starting block », où l’on va commencer un mouvement qui, progressivement, va faire que cet ensemble d'informations nouveau, progressivement, atteigne un niveau, je dirais d’« auditabilité » et de qualité qui soit équivalent à celui que l’on peut trouver aujourd'hui dans les comptes, qui je le rappelle, se composent aussi de chiffres et de lettres, puisque l'annexe est largement composée aujourd'hui de textes que je dirais littéraires et pas seulement de chiffres. D'accord, mais dans ce que tu dis, il y a une chose qui est vraiment importante. C'est qu'on est en effet, véritablement à un démarrage de cette RSE et qu’aujourd'hui, ces obligations ne concernent que certaines sociétés, les plus grandes d'entre elles. Or, progressivement, on va baisser les seuils et peut-être que demain, toutes les sociétés seront concernées par ce type d'obligations. Oui et pour plusieurs raisons. D'abord, c'est que dans beaucoup de grands groupes, il y a des phénomènes qui consistent à sous-traiter une partie des activités à des entreprises qui sont en dehors du groupe, notamment celles qui sont les plus polluantes. Il faut donc élargir le périmètre, si l’on veut être certain de prendre en compte l'ensemble de l'activité de l'entreprise. Vous avez des groupes, aujourd'hui très connus, qui sont des marques, qui sont des désignations de produits, qui sont les définitions de produits, mais qui ne fabriquent rien eux-mêmes. Ils font tout fabriquer à l'extérieur et ils ne peuvent pas dire : « je ne sais pas comment ça se passe à l'extérieur parce que c'est pas moi qui fais ». En conséquence, il y a toute une évolution qui se fait à ce niveau là, une prise de conscience dont vous avez des phénomènes très importants, parfois aussi des scandales, notamment lorsque l’on a découvert que tel fabricant de chaussures ou autre, faisait fabriquer ses produits dans des pays à bas coût et dans des conditions que, évidemment, jamais personne n'aurait acceptées dans son pays d'origine. Alors, il y a aussi derrière cela, un autre mouvement qui est en train de naître. Un double mouvement en quelque sorte. Il y a d'abord le fait que la RSE est aujourd'hui un phénomène qui va devenir européen, puisqu’il y a un projet de directive sur ce sujet qui vient d'être publié. Et puis, un autre mouvement qui est assez différent, qui est un mouvement d'origine anglo-saxonne et qui consiste à se dire dans le fond, prenons le cas du texte français, on aboutit à quelque chose qui est, si je peux m'exprimer ainsi, une information en silo. Cela signifie que vous avez le silo des informations financières et comptables et puis vous avez le silo des informations RSE, dites non financières. Et, entre les deux, vous n'avez pas de pont, c'est à dire que vous ne savez pas comment l'interaction se fait entre le fait d'avoir tel type de politique en matière d'environnement et le résultat que cela donne financièrement. Ce que l’on dit sur l'environnement, est vrai aussi sur la gouvernance ou sur les aspects sociaux. Intuitivement, on sent bien qu'une entreprise dans laquelle le personnel a un moral d'acier va probablement être plus rentable qu'une entreprise dans laquelle le personnel a « le moral dans les chaussures ». Sauf qu’aujourd’hui, on ne sait pas encore passer de l'un à l'autre, c’est à dire que l’on ne sait pas quelle est l'incidence financière de l'un à l'autre et c'est ce mouvement qui est en train d’émerger. On commence à y travailler dans les grandes entreprises françaises, afin de faire un rapport intégré, c'est à dire quelque chose qui comme son nom l'indique, va bien montrer les interactions entre ce qui est non financier et ce qui est financier. Parce que, pour terminer sur cette question, on va revenir à quelque chose de simple. En effet, personne n'achèterait une entreprise uniquement sur ces chiffres financiers. Ce qui est vrai pour l'investisseur unique, qui lui peut faire quatorze fois le tour de l'entreprise s'il en a l’envie, ne l’est évidemment pas pour celui qui achète une action en bourse. Par conséquent, il faut bien qu’on lui donne cette information équivalente qui va lui permettre de se dire, « voilà je vais investir là, parce que la manière dont les facteurs de production sont pris en compte, la façon dont je traite mon personnel, la façon dont je m'occupe de l'environnement, etc. va faire que je vais avoir un développement plus durable », puisque c'est ça, l'objectif qui est recherché. C’est donc un mouvement qui est parti, qui n'est pas du tout facile, qui est compliqué sur le plan conceptuel, et pour lequel on est encore en train de chercher les outils, mais qui, je pense, va prospérer dans les années qui viennent. On essaye notamment d'uniformiser l'information qui est donnée, parce qu'aujourd'hui il est vrai que l'AMF tente de faire marcher les sociétés qu'elle contrôle sur une même route, mais il est tout aussi vrai que cela rend difficilement lisible cette information. Oui, d'autant plus que contrairement à ce que l’on peut penser, même des indicateurs très simples supposent un vrai protocole de définition. Par exemple, l'AMF a fait un travail là-dessus dans son rapport, il y a deux ans : Qu'est-ce que c'est que l'effectif dans une entreprise à une date donnée ? Vous avez des tas de petites subtilités pour savoir si vous prenez les gens qui sont malades, les gens qui sont en contrat à durée déterminée, ceux qui assurent un remplacement, les stagiaires, etc. , et vous pouvez avoir, de bonne foi, une mesure des choses qui parait simple, qui est l'effectif dans une entreprise, qui est très différent d'un groupe à l'autre. Donc vous voyez qu'il y a là tout un travail de normalisation derrière, pour être sûr que voilà, on met à peu près la même chose derrière les mots. Très bien Dominique, je te remercie.